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La Bouille

Eglise Sainte-Madeleine

La Bouille est une petite localité située sur la rive ouest de la Seine, au détour d'un méandre du fleuve. C'est dans cette commune que naquit l'écrivain Hector Malot, auteur du roman connu de tous "En famille".

Trois ex-voto ont été offerts à l'église. L'un de ces dons est une maquette de trois-mâts goélette, le "Marie-THérèse) et les deux autres des tableaux représentant tous deux des bateaux dans la tempête.

Le premier tableau représente un trois-mâts, les voiles en lambeaux. Il porte l'inscription : " Octobre 1909 - St-Hubert - Remerciements - Offert par Capitaine E. LEDUN". Il s'agit du navire de pêche le "Saint-Hubert".

Le deuxième tableau nous montre quant à lui un navire à vapeur. On peut y lire : "Magenta. Capitaine E. Ledun. Nuit du 22 août 1924. Remerciements". L'oeuvre est signée E. Ledun. La scène représente un navire désemparé, avec un phare sur la droite et des écueils au premier plan, la Vierge apparaissant en haut du tableau, sur sa partie droite.

Les articles publiés ci-dessous permettent de retracer l'historique de ces ex-voto et d'en identifier l'auteur, de façon certaine pour les tableaux, en pensant raisonnablement qu'il peut aussi s'agir de la même personne pour la maquette.

Sources des informations :
Bulletin municipal de La Bouille – édition de Novembre 2013
Articles de : Madame Agnès Thomas, Monsieur Bernard Vidal, Monsieur Dominique Duquesne.

Le Marie-Thérèse : Ex-voto de l’église de la Bouille

Sources : Monsieur Bernard Vidal – Monsieur Dominique Duquesne

Pendant longtemps un petit bateau en bois a été suspendu à la voûte de l’église de la Bouille. Cet ex-voto est tombé malheureusement il y a une quinzaine d’années. Il a été récupéré par le Général Lalande en vue de le restaurer. Cette opération de restauration, terminée bénévolement par Monsieur Dominique Duquesne, a permis  de remettre en place la maquette du Marie-Thérèse fin 2013.
Bien abîmée lors de la chute, la mâture du Marie-Thérèse avait été complètement  détruite : seules deux vergues et un morceau du mât d’artimon ont retrouvé leur place. Monsieur Duquesne a donc refabriqué les morceaux trop abîmés et reconstitué l’ensemble, durant deux mois, autour de la coque d’origine, après un petit coup de neuf, en prenant soin de bien garder l’esprit et les qualités de détail de l’auteur de l’époque.
Une trace du patrimoine a donc  regagné sa place dans l’église et Monsieur Duquesne a apprécié (à juste titre) d’y avoir participé.

L’histoire du Marie-Thérèse

Article de Monsieur Bernard Vidal

Des recherches ont permis de restituer en partie l’histoire de ce bateau. Il s’agit d’un trois-mâts goélette de 369 tonneaux construit en Norvège, qui fut mis à l’eau en 1884 pour naviguer au long cours. En 1900, il est acheté par un armateur fécampois (société Heude-Milon), qui le fait transformer en navire de pêche à la morue. Cet armateur lui a fait faire cinq campagnes à Terre-Neuve. En 1906, ce bateau est racheté par Hippolyte Chèdru qui l’armera pour les campagnes à Terre-Neuve de 1907 et 1908. Il est toujours immatriculé à Fécamp.
Pour la campagne du printemps 1908, le commandant est Joseph Lemarchand, et le subrécargue Albert Friboulet dirige les opérations de pêche (missionné par l’armateur pour contrôler la qualité de la cargaison, en particulier le salage des morues). On compte à bord 30 hommes, matelots et pêcheurs.
Le 15 juin 1908 après une première pêche de 76000 morues de petite taille (1400 quintaux) par temps calme, mais avec une brume très dense, le navire s’approche de la côte ouest de Saint-Pierre pour y décharger sa cargaison. En raison du faible vent, le bateau a du mal à manœuvrer, et le brouillard limite la visibilité à tel point que dans l’anse des Savoyards, en pleine nuit, vers 3h30, le navire talonne. Les ancres mises à l’eau ne suffisent pas à fixer l’embarcation qui finit par s’échouer complètement sur les rochers.
Un remorqueur appelé à l’aide n’arrivera pas à approcher le navire échoué. Mettant à profit la marée basse, une faible partie de la cargaison (400 quintaux sur 1400) peut être débarquée. Redoutant un proche naufrage, le commandant fait descendre à terre, avec les doris, tous les hommes d’équipage sauf son second et lui-même. Il affale les voiles qui sont devenues inutiles et risquent de briser la mâture qui a été ébranlée par les coups sur les récifs. Le second ne descendra à terre que la dernière nuit, peu avant le commandant.
Le 18 juin au matin, après deux nuits et un jour d’efforts pour tenter de sauver le navire, le commandant, l’estimant perdu, quitte le bord à 9h45.
Telle fut la fin du Marie-Thérèse sur la côte ouest de Saint-Pierre où de nombreux autres navires ont sombré avec bien souvent perte des équipages (on compte 560 naufrages de toutes nationalités à Saint-Pierre-et-Miquelon entre 1816 et 1908, soit une soixantaine tous les 10 ans).

Qui est l’auteur de la maquette du Marie-Thérèse ?

Article de Madame Agnès Thomas

Mais pourquoi une maquette du Marie-Thérèse, bateau fécampois, a-t-elle été offerte à l’église de la Bouille ? C’est un mystère…
On suppose de prime abord que l’ex-voto a été réalisé par un des marins du navire, pour remercier d’avoir échappé à la mort le 18 juin 1908 au large de Saint-Pierre. Mais le rôle d’équipage ne permet pas d’établir un lien avec le nom des habitants de la Bouille à cette date.
Les recherches effectuées pour retrouver l’auteur permettent néanmoins de soulever une piste : le Capitaine E. Ledun, qui a signé les deux tableaux, de façon naïve, situées à proximité du baptistère de l’église, pourrait être également à l’origine de la maquette.
En effet, Etienne Ledun, né en 1888, a officié à La Bouille comme sous-lieutenant de Port, pour les Ponts et Chaussées de Rouen en 1936, comme l’indique la liste nominative des habitants de la commune à cette date (Marcel Ledun est l’auteur d’un ouvrage très instructif : « Ma vie de terre-neuva » Ed. Ass. Fécamp-Terre-Neuve).
Il est issu d’une grande famille fécampoise de marins, qui compte un armateur et plusieurs capitaines, dont un Gustave Ledun qui fut le capitaine du Marité, dernier terre-neuvier français, restauré et aujourd’hui basé à Granville – nous l’avons vu passer à la Bouille lors de l’Armada 2013.
Le nom de Ledun ne fait pas partie de la liste des rescapés mais ce patronyme est souvent associé à celui de Lemarchand (Rappel : le capitaine du Marie-Thérèse) dans l’histoire des campagnes de pêche à Terre-Neuve. Les Lemarchand sont une autre grande famille fécampoise de marins respectée, comptant plusieurs capitaines terre-neuvas.
Par exemple, en 1902 et 1903, le Guillaume Tell navigue sous les ordres du Capitaine Ledun, et du subrécargue Lemarchand. Lorsque ce navire fera naufrage en 1911, Joseph Lemarchand trouvera la mort sur un doris, avec un mousse de 17 ans : Pierre Ledun… Quel est le lien de parenté entre le capitaine du Guillaume Tell, Pierre Ledun et E. Ledun ? Nous l’ignorons…

Et celui des tableaux ex-voto
 ?


Suite de l’article de Madame Agnès Thomas

Cette hypothèse se confirme avec le premier tableau ex-voto peint par E. Ledun représentant le Saint-Hubert : le capitaine de ce navire, durant les campagnes  à Terre-Neuve en 1908 et 1909, était un également un certain Lemarchand… (prénom ?).
Ce trois-mâts barque, construit en 1881, connut sans doute des difficultés pendant la campagne de pêche de 1909, comme le montre le tableau, mais s’en sortit puisque l’on sait qu’il fait partie des navires rentrant à Fécamp cette année-là.
Le Saint-Hubert sera coulé le 26 mai 1917 par un sous-marin allemand au large de Cherbourg. Il transportait alors 600 tonnes d’anthracite et faisait route de Swansea pour Fécamp quand un sous-marin, après avoir tiré 6 obus, obligea l’équipage au complet à quitter le navire sur des chaloupes. Le Saint-Hubert fut dynamité et les marins mirent cap à terre où ils arriveront sains et saufs.

Le Magenta, représenté sur le second tableau, est également peint par E. Ledun, qui en était sans doute le capitaine, comme il est indiqué dans la signature. Ce chalutier est immatriculé à Boulogne B 848. Les journaux indiquent que dans la nuit du  24 août 1924, une très forte tempête « orage, pluie diluvienne, tremblement de terre de 6 secondes en Angleterre » a eu lieu. Un chalutier a fait naufrage. Le Magenta s’en sort.

 
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